Une jurisprudence récente reconnait un nouveau motif d’annulation des élections professionnelles. En effet, la Cour de cassation considère qu’à défaut de saisine de la DREETS suite à l’échec des négociations du protocole d’accord préélectoral (PAP) avec deux syndicats non représentatifs, peu important que cette irrégularité n’ait pas été de nature à influencer le résultat du scrutin, les élections sont susceptibles d’être annulées (Cass. soc., 20 sept. 2023, n° 22-60.114).
Faits et procédure
Dans cette affaire, suite à une demande de mise en place du CSE par le syndicat USAP, l’employeur invitait les syndicats intéressés à la négociation du PAP. Deux syndicats non représentatifs dans l’entreprise, l’USAP et l’UNSA, se présentaient à la réunion de négociation du PAP. À l’issue des négociations, le PAP ne put être valablement conclu. L’employeur décidait alors d’organiser les élections du CSE sur la base de la répartition des sièges et du personnel dans les collèges qu’il avait unilatéralement établie, sans saisine préalable de la DREETS.
À l’issue des élections, l’USAP saisissait le tribunal judiciaire afin de voir annuler les élections et que soit ordonné la négociation d’un PAP.
Dans son jugement, le tribunal judiciaire déboutait le syndicat en constatant que, certes l’employeur aurait dû saisir la DREETS pour opérer ladite répartition, ce qui constituait une irrégularité, mais qu’ayant respecté les dispositions légales ayant trait au nombre et à la composition des collèges électoraux, cette irrégularité n’avait pas été de nature à influencer le résultat des élections. De ce fait, il n’y avait pas lieu de prononcer l’annulation.
Le syndicat débouté s’est donc pourvu en cassation.
Motivation de la décision
1. Pour motiver sa décision, la Cour de cassation vise l’article L. 2314-13 du Code du travail, et plus précisément le premier et le troisième alinéa.
La Haute juridiction rappelle tout d’abord l’alinéa 1er de cet article, lequel prévoit que :
« La répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l’objet d’un accord entre l’employeur et les organisations syndicales conclu selon les conditions de l’article L. 2314-6. »
💡 À SAVOIR
La répartition des sièges et du personnel dans les collèges électoraux est en effet un des thèmes obligatoires de négociation du PAP.
Pour en savoir plus sur le sujet, n’hésitez pas à consulter notre article sur les thèmes de négociation du PAP.
La Cour de cassation énonce ensuite l’alinéa 3 de cet article lequel envisage l’hypothèse de l’échec des négociations du PAP en ces termes :
« Lorsque au moins une organisation syndicale a répondu à l’invitation à négocier de l’employeur et que l’accord mentionné au premier alinéa du présent article ne peut être obtenu, l’autorité administrative décide de cette répartition entre les collèges électoraux. Pour ce faire, elle se conforme soit aux modalités de répartition prévues par l’accord mentionné à l’article L. 2314-12, soit, à défaut d’accord, à celles prévues à l’article L. 2314-11. »
Au regard de ces dispositions, la Cour de cassation retient que :
« Dès lors qu’une organisation syndicale a manifesté son intention de participer à la négociation préélectorale, l’employeur, à défaut d’accord préélectoral valide, a l’obligation de saisir l’autorité administrative pour faire procéder à la répartition des sièges et des électeurs au sein des collèges électoraux. »
2. La Cour de cassation rappelle enfin la motivation de la décision du tribunal judiciaire avant de conclure à son annulation.
La Haute juridiction considère en effet que l’irrégularité liée au défaut de saisine de la DREETS suite à l’échec des négociations du PAP est un motif d’annulation des élections professionnelles à lui seul, peu important que cette irrégularité ait eu, ou non, une influence sur les résultats du scrutin.
☝️ RAPPEL
La jurisprudence considère que l’annulation des élections professionnelles peut résulter soit de la méconnaissance d’un principe général du droit électoral soit d’une irrégularité qui aurait eu une influence sur le résultat des élections, sur la représentativité d’un syndicat ou sur le droit pour un candidat d’être désigné en qualité de délégué syndical.
Pour en savoir plus sur le sujet, consultez notre article sur la contestation des élections professionnelles du CSE.
Commentaires
1. Au regard de ce qui précède, et pour la première fois à notre connaissance, la Haute juridiction semble reconnaitre implicitement un principe général du droit électoral s’agissant de l’obligation de saisine de la DREETS en cas d’échec des négociations du PAP.
2. Par ailleurs, cette décision est selon nous intéressante en ce qu’elle permet peut-être de clarifier une difficulté d’interprétation liée à l’articulation de l’article L. 2314-13 alinéa 3 et L. 2314-14 du Code du travail.
En effet, nous l’avons déjà rappelé, le premier de ces deux articles prévoit que si une organisation syndicale a répondu à l’invitation à négocier le PAP mais qu’aucun accord n’a pu être obtenu, alors il y a lieu de saisir la DREETS pour opérer cette répartition.
L’article suivant indique quant à lui que si aucune organisation syndicale représentative de l’entreprise n’a participé à la négociation du PAP, alors l’employeur peut procéder seul à cette répartition.
Se posait donc la question de la nécessité de saisir la DREETS en cas d’échec des négociations lorsque les syndicats ayant participé à la négociation du PAP n’étaient pas représentatifs.
Cette décision permet donc un éclaircissement, la Cour de cassation retenant que l’employeur aurait dû saisir la DREETS suite à un échec de négociation avec des syndicats non représentatifs dans l’entreprise.
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