Projet d’IA en entreprise : faut-il consulter le CSE ? Les risques à connaître

Projet IA entreprise : Faut-il consulter le CSE ?

L’IA générative s’intègre désormais dans tous les métiers, mais son déploiement en entreprise ne se limite pas à une question technique. Dès qu’un projet d’IA peut avoir un impact sur l’organisation du travail ou les conditions d’emploi, le Code du travail impose une consultation du CSE. En 2025, plusieurs tribunaux ont rappelé cette obligation, sanctionnant les entreprises qui avaient omis cette étape. Retour sur les règles à connaître pour sécuriser vos projets d’IA.

 

Pourquoi l’IA devient un sujet incontournable pour le CSE

L’IA s’installe désormais durablement dans le quotidien des entreprises. Une équipe marketing teste un assistant de rédaction, un service client expérimente un chatbot et automatise ses réponses, et le service communication génère des visuels avec l’IA pour les réseaux sociaux.

Ces initiatives, souvent perçues comme de simples gains de productivité, modifient pourtant la façon de travailler. Or, selon l’article L.2312-8 du Code du travail, dans les CSE de 50 salariés et plus l’employeur doit informer et consulter le CSE sur les questions relatives:

  • À l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise ;
  • Et, notamment lors de l’introduction de nouvelles technologies susceptibles d’affecter les conditions de travail ou d’emploi.

Autrement dit, dès qu’un projet d’IA est susceptible d’avoir un effet, même indirect, sur les conditions de travail, la consultation du CSE devient obligatoire.

Et cette question n’est pas nouvelle. Depuis plusieurs années, les juges s’efforcent de déterminer, au cas par cas, dans quelle mesure l’introduction d’un outil d’IA modifie ou non les conditions de travail des salariés.

 

De Watson à aujourd’hui : comment les juges ont affiné les contours de la consultation du CSE

La Cour de cassation avait ouvert la voie dès 2018, dans l’affaire dite Watson (Cass. soc., 12 avril 2018, n° 16-27.866). Elle avait jugé que l’installation d’un robot d’aide au tri du courrier ne nécessitait pas de consulter le CSE. En effet, l’outil n’avait qu’une fonction d’assistance et n’entraînait pas de modification sensible des conditions de travail.

Depuis, les technologies d’IA ont franchi un cap. De simples outils d’assistance, elles sont devenues des systèmes capables de produire, d’analyser et parfois de décider. Leur intégration influence directement l’organisation du travail, la répartition des tâches et les relations hiérarchiques.

La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser sa position dans un arrêt du 27 novembre 2024 (n° 23-13.806). Désormais, lorsqu’une innovation se limite à une mise à jour technique sans impact nouveau, l’employeur n’a pas à consulter le CSE.

En revanche, si la technologie transforme les méthodes, la charge ou la responsabilité des salariés, elle constitue une « nouvelle technologie » au sens du Code du travail, impliquant une consultation préalable du CSE.

En 2025, plusieurs tribunaux judiciaires (notamment Nanterre, Créteil et Paris) ont prolongé ce raisonnement.

 

Trois raisons juridiques de consulter (presque) à coup sûr le CSE – cas concrets

Tribunal judiciaire de Nanterre (14 février 2025) – L’expérimentation vaut déjà mise en œuvre

Dans cette affaire (TJ Nanterre, 14 février 2025, N°24/01457), une entreprise d’assurances et de prévoyance avait déployé, dès 2024, trois outils d’IA dans le cadre d’une phase pilote, sans consultation préalable du CSE.

Le comité avait pourtant sollicité des informations, considérant que les outils d’IA concernaient directement l’activité des salariés et leurs méthodes de travail.

Le tribunal a donné raison au CSE, estimant que la simple expérimentation constituait déjà une première mise en œuvre du projet.

💡 À RETENIR

Une phase de test d’un outil d’IA n’exonère pas l’employeur de son obligation de consulter le CSE.

Tribunal judiciaire de Créteil (15 juillet 2025) – L’IA générative modifie le cœur du métier

Le litige (TJ Créteil, référé, 15 juillet 2025, n° 25/00851) concernait un groupe de presse ayant introduit des logiciels d’IA générative capables d’assister les journalistes dans la rédaction et la mise en forme de contenus.

L’employeur avait estimé que ces outils n’étaient qu’une aide rédactionnelle, sans effet sur les conditions de travail. Face aux refus répétés de l’employeur d’ouvrir une négociation de cadrage de l’IA, le CSE a saisi le juge des référés pour obtenir la suspension du projet.

Le tribunal a jugé que :

  • L’utilisation de ces outils affecte directement l’organisation du travail et la répartition des tâches,
  • Et qu’elle modifie potentiellement la valeur et la nature du travail intellectuel des salariés concernés.

💡 À RETENIR

Dans le secteur de la presse, le tribunal a retenu que l’IA générative est susceptible d’affecter les conditions de travail (organisation, répartition des tâches, contenu du travail). La consultation préalable du CSE est donc obligatoire.

Tribunal judiciaire de Paris (2 septembre 2025) – Distinguer la simple évolution d’un outil et l’outil d’IA générative qui modifie les pratiques

Cette affaire (TJ Paris, ord. réf., 2 sept. 2025, n°25/53278) opposait le CSEC de France Télévisions à la direction de l’entreprise au sujet de deux projets d’IA internes : « Raiponse V2 » et « Mediagen ».

Le comité estimait que ces projets nécessitaient une consultation préalable, tandis que l’employeur soutenait qu’ils relevaient de simples ajustements techniques.

Le tribunal a adopté une position nuancée, en distinguant l’évolution d’un outil existant d’une innovation constituant une nouvelle technologie.

  • « Raiponse V2 » ou la version évoluée d’un chatbot RH déjà mis en place, n’a pas été jugée comme une innovation majeure. En effet, aucune incidence concrète sur les conditions de travail n’a été démontrée. Le tribunal a jugé qu’une simple information du CSE suffisait.
  • En revanche, « Mediagen », une plateforme d’accès à des outils d’IA générative permettant la création d’assistants personnalisés et la formation des salariés, a été considérée comme une « nouvelle technologie » au sens du Code du travail. La consultation préalable du CSE était donc obligatoire.

💡 À RETENIR

Toutes les IA ne sont pas à traiter de la même façon. Une évolution technique sans impact nouveau (comme un chatbot RH amélioré) relève d’une information du CSE, alors qu’une IA générative, qui modifie les pratiques, constitue une innovation majeure imposant une consultation préalable.

 

Les risques concrets en cas d’omission – tirés d’affaires récentes

Ignorer la consultation du CSE, même par négligence, peut coûter cher à l’entreprise. Les tribunaux n’hésitent pas à suspendre les projets d’IA et à sanctionner les employeurs. Voici les principaux risques à connaître :

  • Suspension immédiate des projets d’IA, parfois assortie d’une astreinte (ex. 1 500€ par jour de retard dans l’affaire TJ Nanterre, 14 février 2025 N°24/01457).
  • Obligation de régulariser la consultation du CSE avant toute reprise du déploiement.
  • Condamnation au paiement des frais de procédure comme les 3 000 € alloués au CSEC dans l’affaire TJ Paris, ord. réf., 2 sept. 2025, nº25/53278.
  • Versement de dommages et intérêts au CSE pour atteinte à ses prérogatives (ex. 5 000€ dans l’affaire TJ Nanterre, 14 février 2025 N°24/01457).
  • Risque de délit d’entrave en cas de refus persistant de consulter le CSE : amende de 7 500 € et, pour le dirigeant, une peine d’un an d’emprisonnement (C. travail., art. L. 2315-1).
  • Contentieux en chaîne possibles : manquement à l’obligation de sécurité, atteinte à la loyauté ou à la transparence si les salariés ne sont pas informés de la finalité du traitement.
  • Climat social dégradé entre la direction, les élus du personnel et les salariés…

 

FAQ – 8 questions pratiques posées par des DRH

Faut-il consulter le CSE avant de tester un outil d’IA ?

Oui, dès lors que la phase de test a un impact sur les conditions de travail.

Même limitée, une expérimentation constitue déjà une mise en œuvre effective dès lors qu’elle modifie les méthodes de travail ou la charge d’activité.

Une mise à jour d’un outil d’IA impose-t-elle une nouvelle consultation ?

Pas systématiquement. Si la mise à jour de l’outil n’introduit pas de rupture technologique, ni d’impact nouveau sur les conditions de travail, une simple information du CSE peut suffire.

Quelles informations l’employeur doit-il remettre au CSE lors de la consultation sur un projet d’IA ?

Un dossier complet précisant :

  • Les objectifs du projet et son calendrier ;
  • Le fonctionnement technique de l’IA et les données traitées ;
  • Les impacts potentiels sur les conditions de travail ;
  • Les mesures d’accompagnement prévues (formation, supervision, sécurité) ;
  • La méthode de suivi (indicateurs, feedback, risques).

Le CSE peut-il exiger une expertise ?

Oui. Le comité peut désigner un expert habilité lorsque le projet soulève des questions techniques, organisationnelles ou de santé au travail.

L’expertise permet d’évaluer les impacts réels de l’IA et de sécuriser la consultation.

Faut-il consulter même si l’IA ne « fait qu’assister » les salariés ?

Souvent, oui. Dès qu’il existe une susceptibilité d’impact sur l’organisation du travail, la consultation du CSE est requise.

Une charte IA est-elle obligatoire en entreprise pour encadrer les pratiques ?

Non, aucune obligation légale n’impose aujourd’hui la mise en place d’une charte encadrant l’usage de l’intelligence artificielle en entreprise. Son adoption reste toutefois vivement recommandée.

Les salariés doivent-ils être formés à l’usage de l’IA ?

Oui. L’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation du salarié à son poste de travail et de veiller au maintien de sa capacité à occuper un emploi.

Les élus du CSE doivent-ils être formés à l’impact de l’IA ?

Pas nécessairement, mais fortement recommandé. Cette formation pourrait s’intégrer à la formation économique (C. travail., art. L. 2315-63) ou santé, sécurité et conditions de travail (C. travail., art. L. 2315-18) prévues par le Code du travail ou être organisée en complément sur la transformation numérique.

☝️ REMARQUE

La consultation du CSE est un levier de sécurisation. Mieux vaut consulter tôt avec un dossier perfectible que régulariser sous contrainte.

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