Conclure un accord collectif d’entreprise en l’absence de délégué syndical

Conclure un accord collectif d'entreprise en l'absence de délégué syndical

Des accords collectifs d’entreprise plus simples à négocier

En matière de négociation collective, les ordonnances du 22 septembre 2017, dites ordonnances Macron, ont apporté de profondes réformes :

  • d’une part, en accordant une primauté aux accords d’entreprise sur l’accord de branche sur un nombre très important de thématiques,
  • d’autre part, en facilitant la conclusion d’accord au sein des petites et moyennes entreprises.

À cet égard, le rapport du comité d’évaluation des ordonnances travail en date de décembre 2021 conclut que :

« Le nombre d’accords signés dans les entreprises augmente en particulier du fait des accords conclus par des élus et salariés mandatés et ceux ratifiés par référendum aux deux tiers dans les entreprises de moins de 20 salariés. […].

Le nombre d’accords ou avenants conclus (également hors l’épargne salariale) avec des élus membres d’instances telles que le CSE ou des salariés mandatés progresse de façon significative et continue depuis 2016-2017 : on passe de moins de 2 000 accords entre 2014 et 2016 à 7 000 en 2019 et plus de 9 000 en 2020.

De même, les textes ratifiés au deux-tiers des salariés — modalité possible dans les entreprises de 20 salariés et moins, en l’absence de représentant du personnel — progressent depuis 2017 pour dépasser en 2020, hors épargne salariale et malgré la crise, le seuil de 5 000. Une large majorité de ces textes est relative au temps de travail. »

Ainsi, encouragées par les ordonnances Macron, les entreprises se sont donc saisies des modalités de négociation dites « dérogatoires », c’est-à-dire des modalités de négociation d’un accord collectif en l’absence d’un délégué syndical. Et pour cause : la conclusion d’un accord collectif, y compris dans les petites et moyennes entreprises, est un levier notamment d’adaptation du droit du travail aux réalités pratiques de l’activité économique.

RAPPEL

Dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux, ces derniers disposent du monopole du droit de négocier des accords collectifs d’entreprise (C. trav., art. L.2232-16).

Dans cet article, nous revenons sur les modalités dérogatoires de négociation d’accord collectif de droit commun dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. Ces dernières diffèrent en fonction de l’effectif de l’entreprise.

POUR EN SAVOIR PLUS

S’agissant des modalités de décompte de l’effectif, nous vous invitons à consulter notre article à ce sujet : « le guide complet du calcul des effectifs (ETP) en 2022 »

NB: Certains accords sont soumis à une règlementation spécifique s’agissant notamment de leurs modalités de conclusion tels que les accords d’intéressement, de participation ou les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Ils ne seront pas traités par le présent article. Il ne sera pas non plus question de négociation avec le représentant de la section syndicale (RSS).

Comment conclure un accord collectif dans les entreprises de moins de 11 salariés ou de 11 à 20 salariés dépourvues de CSE ?

Les dispositions légales prévoient que, dans les entreprises de moins de 11 salariés, l’employeur peut proposer au personnel un projet d’accord collectif pourtant sur l’un des thèmes ouverts à la négociation collective d’entreprise. Ce projet d’accord collectif sera alors soumis à l’approbation des salariés pour validation (C. trav., art. L.2232-21).

Le Code du travail prévoit que les entreprises de 11 à 20 salariés, dépourvues de CSE, peuvent également conclure un accord collectif selon cette modalité de négociation dérogatoire (C. trav., art. L.2232-21).

REMARQUE

Si le seuil de mise en place du CSE a été atteint, il ne sera possible de négocier un accord collectif selon cette modalité que si l’employeur peut fournir un procès-verbal de carence. À défaut, l’accord collectif pourrait faire l’objectif d’une contestation de sa validité.

Quels sont les salariés consultés ?

Compte tenu de la relation des textes applicables, tous les salariés de l’entreprise, sans condition d’ancienneté, doivent être consultés. Les conditions légales déterminant la qualité d’électeur dans le cadre de l’élection du CSE ne sont donc pas applicables.

La liste du personnel devant être consulté sera établie par l’employeur, communiquée aux salariés et susceptible de contestation devant le Tribunal judiciaire dans les 3 jours suivant sa publication. (C. trav., R.2232-13).

Comment s’organise la consultation des salariés ?

Les modalités d’organisation de la consultation des salariés seront définies par l’employeur. Plus précisément, l’article R. 2232-11 du Code du travail prévoit que l’employeur définit :

Les modalités de transmission aux salariés du texte de l’accord ;
Le lieu, la date et l’heure de la consultation ;
L’organisation et le déroulement de la consultation ;
Le texte de la question relative à l’approbation de l’accord soumise à la consultation des salariés.

Les modalités d’organisation de la consultation, le projet d’accord collectif ainsi que la liste du personnel devant être consultée devront être communiqués individuellement aux salariés au moins 15 jours avant la date de la consultation (C. trav., art. L.2232-21 ; Questions-Réponses « La négociation collective » — question n°20).

S’agissant des conditions matérielles de la consultation, l’article R.2232-10 du Code du travail précise que :

La consultation a lieu par tout moyen pendant le temps de travail. Son organisation matérielle incombe à l’employeur ;
Le caractère personnel et secret de la consultation est garanti ;
Le résultat de la consultation est porté à la connaissance de l’employeur à l’issue de la consultation, qui se déroule en son absence ;
Le résultat de la consultation fait l’objet d’un procès-verbal dont la publicité est assurée dans l’entreprise par tout moyen. Ce procès-verbal est annexé à l’accord approuvé lors du dépôt de ce dernier.

ASTUCE

Pour plus de simplicité, WeChooz vous propose l’organisation de la consultation de votre personnel par voie électronique. Pour ce faire, le protocole organisant les modalités de la consultation devra simplement acter du recours au vote électronique.

À quelles conditions l’accord collectif est-il valide ?

Au terme de la consultation, l’accord est considéré comme adopté lorsqu’il est approuvé à la majorité des 2/3 du personnel (C. trav., art. L.2232-22). Il ne s’agit donc pas de la majorité des votants mais bien de l’ensemble du personnel appelé à se prononcer.

Comment conclure un accord collectif dans les entreprises de 11 salariés à 49 salariés ?

Avec qui l’employeur peut-il négocier ?

Dans les entreprises de 11 à 49 salariés, l’employeur peut, au choix, négocier un accord collectif (C. trav., art. L.2232-23-1 I) :

  • Soit avec un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau nationale et interprofessionnel, élus ou non au CSE ;
  • Soit avec un ou plusieurs élus titulaires au CSE.

Aucune modalité de négociation ne prévaut sur l’autre.

REMARQUE

Il n’est ici pas obligatoire d’informer les organisations syndicales représentatives dans la branche ou, à défaut, au niveau national, de la décision d’engager des négociations.

PRÉCISION

Pour les entreprises de 11 à 20 salariés dépourvues de CSE, outre la faculté de négocier par ratification des salariés à la majorité des 2/3 (voir ci-avant), il sera également possible, au choix, de négocier un accord collectif avec un ou plusieurs salariés mandatés.

À quelles conditions un accord collectif négocié avec un ou plusieurs élus du CSE, mandatés ou non, est-il valable ?

La validité de l’accord collectif est subordonnée à la signature par des élus titulaires du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés en faveur des membres du CSE lors des dernières élections professionnelles (C. trav., art. L.2232-23-1 II).

Plusieurs remarques s’agissant de l’appréciation de cette majorité :

  • Pour la conclusion d’un accord collectif concernant tous les salariés de l’entreprise, il convient de diviser les suffrages exprimés en faveur de l’élu par tous les suffrages exprimés en faveur des élus, tous collèges confondus.
  • En cas d’accord collectif négocié avec les élus du CSE central, pour déterminer le poids d’un élu titulaire dans la décision, il convient de diviser le nombre de suffrages exprimés dans l’établissement en sa faveur par l’ensemble des suffrages exprimés, dans chaque établissement, en faveur des membres titulaires composant la délégation au CSE central (C. trav., art. L. 2232-23-1 II).
  • Si un suppléant remplace un titulaire à l’occasion d’une telle négociation, pour calculer « les suffrages exprimés en faveur des membres du CSE », il convient de soustraire les suffrages exprimés en faveur du titulaire remplacé et d’ajouter ceux exprimés en faveur du suppléant qui le remplace (Questions-Réponses « La négociation collective » — question n°24).

À quelles conditions un accord collectif négocié avec un ou plusieurs salariés mandatés, non élus au CSE, est-il valable ?

La validité d’un accord collectif conclu avec un ou plusieurs salariés mandatés, non élus du CSE, est subordonnée à l’approbation de l’accord par les salariés de l’entreprise à la majorité des suffrages exprimés. Une consultation du personnel doit donc être organisée.

Quels sont les salariés consultés ?

L’article L.2232-23-1 du Code du travail vise les « salariés » et fait référence aux principes généraux du droit électoral, référence qui ne suffit pas à engendrer l’application des règles d’électorat spécifiques aux élections professionnelles. Aussi, tous les salariés sont admis à voter, sans condition d’ancienneté, à partir du moment où ils jouissent de leurs droits civiques.

La liste du personnel devant être consultée sera établie par l’employeur, communiquée aux salariés, et susceptible de contestation devant le Tribunal judiciaire dans les 3 jours suivant sa publication (C. trav., R. 2232-5).

Comment s’organise la consultation des salariés en pratique ?

Il appartient à l’employeur de définir les modalités pratiques d’organisation de la consultation. À ce titre, il détermine (C. trav., art. D.2232-3) :

  • Les modalités d’information des salariés sur le texte de la convention ou de l’accord ;
  • Le lieu, la date et l’heure du scrutin ;
  • Les modalités d’organisation et de déroulement du vote ;
  • Le texte de la question soumise au vote des salariés.

L’article D. 2232-2 du Code du travail précise que :

La consultation a lieu pendant le temps de travail, au scrutin secret sous enveloppe ou par voie électronique dans les conditions prévues aux articles R. 2324-5 à R. 2324-17. Son organisation matérielle incombe à l’employeur ;

REMARQUE

Pour l’organisation de la consultation par voie électronique, si un accord collectif ou une DUE ne semble pas obligatoire pour l’heure, il sera nécessaire que le protocole prévoyant les modalités de consultation comporte un cahier des charges en annexe, d’acter de la mise en place d’une cellule d’assistance technique, que le système fasse l’objet d’une expertise indépendante, de prévoir de manière détaillée le fonctionnement du système retenu en annexe etc.

Le résultat du vote fait l’objet d’un procès-verbal dont la publicité est assurée dans l’entreprise par tout moyen. Ce procès-verbal est annexé à l’accord approuvé lors du dépôt de ce dernier. En cas d’accord conclu avec un représentant élu du personnel mandaté un salarié mandaté, le procès-verbal est également adressé à l’organisation mandante. »

Les dispositions règlementaires prévoient également que :

  • La consultation est organisée dans un délai de 2 mois à compter de la conclusion de l’accord collectif (C. trav., art. D. 2232-8) ;
  • L’employeur devra consulter, préalablement à leur adoption définitive, le ou les salariés mandatés sur les modalités d’organisation de l’élection. L’employeur informera ensuite les salariés de ces modalités par tout moyen au plus tard 15 jours avant la consultation (C. trav., art. D. 2232-8) ;
  • La liste du personnel devant être consulté devra également faire l’objet d’une publication au moins 3 jours avant la consultation (C. trav., R. 2232-5) ;
  • En cas de désaccord au sujet des modalités d’organisation, il est possible de saisir le Tribunal judiciaire dans un délai de 8 jours à compter de l’information du personnel (C. trav., art. D. 2232-9).

Comment conclure un accord collectif dans les entreprises de 50 salariés et plus ?

Dans ces entreprises, la négociation d’un accord collectif est possible selon un ordre de priorité. Il existe donc différents interlocuteurs mais l’employeur ne peut pas librement choisir de négocier avec l’un d’entre eux.

Ainsi, il est possible de négocier :

  • En priorité avec des élus titulaires du CSE mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche ou, à défaut, au niveau national (C. trav., art. L. 2232-24) ;
  • À défaut, avec des élus titulaires du CSE non mandatés (C. trav., art. L.2232-25) ;
  • À défaut, avec un ou plusieurs salariés mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche ou, à défaut, au niveau national (C. trav., art. L.2232-26).

Quelle procédure l’employeur doit-il suivre pour respecter l’ordre de priorité de négociation entre les différents interlocuteurs ?

Compte tenu de l’ordre de priorité existant, le Code du travail prévoir une obligation d’informer les organisations syndicales représentatives dans la branche ou, à défaut, au niveau national, de la décision d’engager des négociations (C. trav., art. L.2232-24).

En outre :

  • L’employeur doit faire connaître son intention de négocier aux élus du CSE par tout moyen (C. trav., art. L.2232-25-1).
  • Les élus disposent alors d’un mois à compter de cette information pour indiquer à l’employeur s’ils souhaitent ou non participer à la négociation et s’ils seront ou non mandatés par une organisation syndicale (C.trav. art. L.2232-25-1).
  • Au terme du délai d’un mois, la négociation pourra éventuellement s’engager avec des élus mandatés par une organisation syndicale (C. trav., art. L.2232-25-1).
  • Si au terme du délai d’un mois, aucun élu n’a manifesté son souhait de négocier, l’employeur pourra engager des négociations avec un ou plusieurs salariés mandatés (C. trav., art. L.2232-26).

À quelles conditions un accord collectif négocié avec un ou plusieurs élus mandatés est-il valable ?

La validé d’un accord collectif conclu avec un ou plusieurs élus mandatés est subordonnée à l’approbation de l’accord par les salariés de l’entreprise à la majorité des suffrages exprimés.

Une consultation du personnel devra donc être organisée, via un référendum d’entreprise.

Les conditions d’organisation de la consultation seront identiques à celles décrites s’agissant de la consultation faisant suite à une négociation avec des salariés mandatés dans les entreprises de 11 à 49 salariés (voir ci-avant).

À quelles conditions un accord collectif négocié avec un ou plusieurs élus du CSE non mandatés est-il valable ?

La validité de l’accord collectif est subordonnée à sa signature par des élus titulaires du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés en faveur des membres du CSE lors des dernières élections professionnelles (C. trav., art. L. 2232-25).

Les remarques formulées s’agissant de l’appréciation de cette majorité en cas de négociation avec des élus du CSE dans les entreprises de 11 à 49 salariés sont valables dans le présent cas (voir ci-avant).

À quelle conditions un accord collectif négocié avec un ou plusieurs salariés mandatés est-il valable ?

La validité d’un accord collectif conclu avec un ou plusieurs salariés mandatés est subordonnée à l’approbation de l’accord par les salariés de l’entreprise à la majorité des suffrages exprimés.

Une consultation du personnel doit donc être organisée.

La consultation du personnel s’organisera également dans les mêmes conditions que celles décrites s’agissant de la consultation faisant suite à une négociation avec des salariés mandatés dans les entreprises de 11 à 49 salariés (voir ci-avant).

REMARQUE

Il y a lieu de faire le constat que plus l’effectif de l’entreprise augmente, plus la négociation d’un accord collectif est facilitée en présence d’élus du CSE.

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