Définir une UES dans le cadre des élections du CSE : un accord de droit commun

Définir une UES dans le cadre des élections du CSE : un accord de droit commun

Au moment de l’organisation des élections du Comité Social et Économique (CSE) et plus précisément de la définition du périmètre de mise en place du CSE, certaines entreprises juridiquement distinctes se poseront la question de la reconnaissance entre elles d’une unité économique et sociale (UES).

C’est d’ailleurs principalement dans ce cadre que la question de la constitution de l’UES se pose compte tenu de ce que son objet est essentiellement la mise en place du CSE.

Conformément à l’article L.2313-8 du Code du travail une UES « est reconnue par accord collectif ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes ».

Mais la nature de l’accord collectif de reconnaissance de l’UES est souvent débattue.

Dans une décision du 6 mars 2024, la Cour de cassation se prononce à nouveau à cet égard (Cass. soc., 6 mars 2024, n°22-13.672).

Nous revenons ci-après sur les apports de cette décision et sur les interrogations qu’elles laissent substituer.

Faits et procédure

La société Capgemini et ses filiales ont constitué entre elles une UES depuis 1984.

Le groupe Capgemini ayant par la suite acquis le groupe Altran, la société Capgemini France au nom de l’UES a engagé le 13 novembre 2020 une négociation sur l’extension du périmètre de l’UES aux sociétés du groupe nouvellement acquis.

Le 20 janvier, l’UNSA, syndicat représentatif au niveau de l’UES Capgemini, a saisi le tribunal judiciaire afin que soit ordonné à Capgemini France de l’inviter à la négociation de cet accord.

Pour rejeter la demande du syndicat, la Cour d’appel retenait que l’accord visant à négocier le périmètre de l’UES constituait un accord interentreprises relevant des article L. 2232-36 et L. 2232-37 du Code du travail.

Ainsi, seules devaient être invitées à négocier les organisations syndicales ayant franchi le seuil des 10 % par cumul des voix obtenues au niveau de chacune des entreprises concernées, soit 10% à l’échelle de l’ensemble des entreprises intéressées à la négociation. Le syndicat UNSA n’ayant pas franchi ce seuil, la Cour a estimé qu’il n’avait pas vocation à être invité à la négociation.

Le syndicat s’est donc pourvu en cassation aux fins de contestation de cette décision.

Moyens invoqués par le syndicat

Le syndicat faisait valoir tout d’abord que :

« une unité économique et sociale ne pouvant être reconnue qu’entre des entités juridiques distinctes […], toutes les organisations syndicales représentatives présentes dans ces entités devaient être invitées à la négociation portant sur la reconnaissance entres elles d’une unité économique et sociale ou sur la modification de celle existant déjà ».

En outre, l’UNSA soulevait le fait qu’un accord relatif au périmètre de l’UES Capgemini prévoyait qu’en cas d’acquisition de sociétés, le périmètre de l’UES serait actualisé par voie d’avenant. Pour ce faire, la direction s’engageait à convoquer l’ensemble des organisations syndicales représentatives à la négociation.

Motivation de la décision

A titre liminaire, pour motiver sa décision la Cour de cassation rappelle d’une part, le régime de la mise en place du CSE au niveau d’une UES et, d’autre part, le régime de la mise en place du CSE interentreprises.

Au regard de ces dispositions, elle juge que :

« l’accord collectif portant reconnaissance d’une unité économique et sociale, dont l’objet est essentiellement de mettre en place un comité social et économique selon les règles de droit commun prévues par le code du travail, ne constitue ni un accord interentreprises qui permet la mise en place, dans les conditions prévues par l’article L. 2313-9 du code du travail, d’un comité social et économique spécifique entre des entreprises d’un même site ou d’une même zone et dont les attributions seront définies par l’accord interentreprises, ni un accord interentreprises permettant de définir les garanties sociales des salariés de ces entreprises dans les conditions prévues par les articles L. 2232-36 à L. 2232-38 du code du travail. »

Elle réaffirme ensuite plusieurs de ces positions antérieures à savoir :

  • une UES ne peut être reconnue qu’entre des entités juridiquement distinctes et ainsi toutes les organisations syndicales représentatives présentes dans ces entités doivent être invitées à la négociation sur la reconnaissance entre elles d’une UES (Cass. soc., 10 novembre 2010, n°09-60.451).
  • la reconnaissance ou la modification conventionnelle d’une UES ne relève pas du protocole d’accord préélectoral (PAP) mais d’un accord collectif de droit commun (Cass. soc., 14 novembre 2013, n°13-12.712).

☝️ REMARQUE

Avant cette décision, la Cour de cassation estimait que la reconnaissance de l’UES relevait du PAP (Cass. soc., 31 mars 2009, n°08-60.494).

Au regard de ce qui précède, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel et fait ainsi droit à la demande de l’UNSA.

Commentaires

De nombreuses questions restent en suspens s’agissant de l’appréciation de la validité de l’accord de reconnaissance de l’UES et de ses négociateurs.

Pour rappel l’article L. 2232-12 du Code du travail prévoit que :

« La validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement est subordonnée à sa signature par, d’une part, l’employeur ou son représentant et, d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants. […] »

Persiste donc la question de l’appréciation de la validité de l’accord collectif en l’absence d’organisation syndicale représentative dans certaines entités du périmètre envisagé de l’UES.

En effet, si en présence d’organisations syndicales représentatives dans toutes les entités, on suppose qu’il conviendra de calculer le poids de chaque organisation syndicale au niveau global, qu’en sera-t-il en revanche si une des entités est dépourvue de représentation du personnel ou n’est dotée que d’un CSE mais n’a pas de délégué syndical ? Comment faire a fortiori lorsque l’ensemble des entités de l’UES envisagée sont dépourvues de représentation du personnel ?

Pour toutes ces raisons, en l’absence de délégués syndicaux dans toutes les entités du périmètre, certains conseillent de choisir la voie judiciaire afin d’éviter une contestation de l’accord. En cascade, le risque serait évidemment l’annulation potentielle des élections du CSE organisées sur la base du périmètre défini dans l’accord.

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